I have a dream… for Lebanon
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Mardi 2 janvier 2024. J’éteins mon smartphone avant le décollage du vol MEA 252 / AF 594 Beyrouth-Paris, et me laisse aller au fond de mon siège, en pensant à la semaine et aux 24 mois impensables et inespérés qui viennent de s’écouler.

La semaine à Beyrouth a été intense. Comme chaque année, la période des fêtes est mise à profit pour réunir en session extraordinaire les organismes qui ont présidé depuis 2022 aux destinées du Liban. J’y ai participé en tant que membre de l’Executive Board du WoCRPOL : le World Council for Resistance and Progress of Lebanon, en français : Le Conseil Mondial pour la Résistance et le Progrès du Liban. Les principales organisations qui ont joué un rôle clé étaient là : Change Lebanon, Kulluna Irada, The Lebanese Diaspora Network, le Comité des Libanais de France, Mejtemein Meghterbin, TMT, Our New Lebanon…

C’est en février 2022 que les choses ont commencé à basculer. La réunion des mouvements issus de la diaspora a permis de mettre en place une large coalition, et a voté la création du WoCRPOL.

Progressivement me reviennent, tout au long des 4h25 de vol, tous les évènements qui ont jalonné l’incroyable épopée que nous et le Liban venons de vivre depuis bientôt 2 ans.

Tout d’abord, les élections de 2022. Les partis d’opposition, constitués en une coalition unique inspirée de celle qui avait été constituée en 2021 pour les élections de l’ordre des ingénieurs, avaient fait un travail exceptionnel, sous l’intitulé « Coalition pour la Renaissance du Liban » : élaboration d’un programme commun, liste unique de candidats, actions de terrains, campagne de communication intense… Le point d’orgue a été le ralliement d’une partie des partisans des mouvements Amal et Hezbollah. Les rares sondages – on en faisait rarement à l’époque – avaient mis en évidence des tendances tout à fait encourageantes : 65% des chiites résidents au Liban voulaient mettre fin à l’hégémonie du Hezbollah, le CPL était en chute libre… Gebran Bassil, Hassan Nasrallah et Nabih Berri étaient devenus la trinité des personnalités les plus détestées par les Libanais.

La Diaspora n’était pas en reste. Une simulation d’élection en ligne, organisée avec l’aide de la plateforme « Sawti », avait mobilisé 2,8 millions de votants, dont un grand nombre n’avait pas pu s’inscrire pour voter à l’étranger avant le 20 novembre 2021 faute de papiers à jour, ou de nationalité dès lors que seule leur mère était libanaise.

Lorsque les résultats des élections sont tombés, l’opposition était créditée de 12 députés, soit moins du quart des pronostics les plus pessimistes. Mais l’ensemble des observateurs internationaux avaient tout de suite fait état d’une immense fraude électorale, avec des preuves irréfutables. La mobilisation qui s’est ensuivie a été énorme : 800 000 manifestants à Beyrouth, Tripoli, Saida, des manifestations dans les principales villes des pays ayant une importante communauté libanaise…. La délégation conjointe de la Coalition pour la Renaissance du Liban et du WoCRPOL, a obtenu la tenue d’une session extraordinaire de l’ONU, qui lui a confié les rênes du pays avec le consentement plus ou moins volontaire des 5 membres permanents du Conseil de Sécurité et des 3 puissances régionales (Iran, Turquie, Israël) pour une période de transition de 18 mois, jusqu’au 22 novembre 2023, avec une Présidence par Intérim confiée au Chef d’Etat-Major de l’armée, Joseph Aoun.

Et là, les choses se sont enchaînées à une vitesse folle. Le Shadow Gouvernement préparé par la Coalition pour une Renaissance Libanaise, avec l’aide du WoCRPOL, a pris ses fonctions début juin 2022 et a enchaîné les décisions. Ce gouvernement était uniquement constitué de personnes issues du Liban et de la Diaspora, experts de premiers plans et personnalités de la société civile ayant mené auparavant des actions d’intérêt général très reconnues.

Le Tribunal Spécial pour le Jugement des détournements de fonds publics a pu en quelques mois juger 100 hauts responsables des secteurs public et privé, dont le Gouverneur de la Banque Centrale. Il a pu, avec l’accord des banques en Suisse, en France, au Royaume-Uni et aux USA, recouvrer 5 milliards de dollars de fonds détournés et saisir pour 12 milliards de dollars de biens immobiliers mal acquis. L’accord avec le FMI, signé après 2 mois de rudes tractations, a permis de restituer les dépôts de moins de 150 000 dollars dans leur intégralité, et de faire peser l’essentiel du déficit sur les actionnaires des banques et les très gros déposants (500 000 dollars et plus).

L’enquête sur le port a été bouclée en 3 mois, et a identifié le Hezbollah, allié à plusieurs hommes politiques maronites, sunnites, druzes, etc., comme coupables. Le Fond Mondial pour le Développement économique du Liban a réussi à lever 5 milliards de dollars auprès de personnes d’origine libanaise dans le monde, qui ont été progressivement investis pour développer les secteurs à potentiel : agriculture haute performance, industries de transformation à haute valeur ajoutée, services numériques, tourisme haut de gamme, santé et télémédecine, construction bas carbone (avec de gros débouchés en Syrie et en Irak)… Lors du référendum national sur l’avenir des milices armées encore existantes, un score historique de 81% s’est prononcé en faveur de l’intégration des milices armées du Hezbollah au sein de l’Armée Libanaise, avec effet immédiat.

Les bonnes nouvelles ont commencé à arriver : croissance du PIB de 12% en 2023, retour au Liban de 200 000 émigrés entre janvier et décembre 2023, 500 000 touristes non libanais accueillis, stabilisation de la livre libanaise au cours de 4 000 LBP pour un dollar… Les travaux de la station de production d’électricité sont à mi-parcours, financés par les fonds du Plan Cèdre. Le Liban est devenu un pays leader dans l’électricité générée par des panneaux photovoltaïques, et est devenu un exportateur de solutions énergétiques dans tout le Moyen-Orient.

La descente vers Roissy est annoncée par le pilote. Je commence à penser aux prochaines étapes. Le mandat confié par l’ONU et la Sous-Conférence du G8 en charge du Liban, a prolongé le mandat du gouvernement de transition jusqu’à mai 2024 pour organiser des élections législatives.

Dans le taxi qui me ramène à Paris, je pense à tout ce qui reste à faire et à tous les sujets qui restent à traiter : la laïcité, la neutralité, la diplomate régionale, l’exploitation des gisements d’hydrocarbures, la représentation confessionnelle en dehors des instances exécutives et législatives, le renforcement des droits des femmes… Heureusement, nous pourrons en parler à plusieurs avec les membres du chapitre français du WoCRPOL lors de notre prochaine réunion hebdomadaire.

Appel à tous les artistes libanais :

aidez-nous à nous forger une vision de ce que pourrait,

de ce que devra être le Liban, par tous les moyens :

fictions, bande dessinée, film format court… !